“Lucide” – Une création parisienne d’un autre Temps

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L’art occupe une place prépondérante chez Artistes du Temps. Aujourd’hui, nous allons évoquer le 7ème, celui dont Thalie est la muse : le cinéma. Évocation à travers “Lucide”, film d’anticipation sous fond de rêve lucide. Nous avons rencontré Anaïs Yahyaoui, scénariste et réalisatrice de ce court-métrage, pour nous parler du projet et du tournage à venir.

Nous nous rencontrons aujourd’hui pour parler de votre futur court-métrage qui s’appelle « Lucide », pouvez-vous nous faire un synopsis ?

“Lucide” c’est un film qui se déroule dans un futur assez proche, en 2047 à Paris. Il se situe dans un monde où les gens apprennent dès leur plus jeune âge à avoir des rêves lucides. Ceci permet au gouvernement de contrôler les populations au niveau des meurtres, de la criminalité en tous genres, du taux de dépression… étant donné que les gens exultent leurs pulsions dans leurs rêves. Mais du coup, ils commencent tous à être beaucoup plus intéressés par leur vie imaginaire que par la réalité. Ils travaillent 5 heures par jour et le reste du temps ils le passent à dormir. On suit la vie de Fred, qui est un insomniaque et qui a beaucoup de mal à accepter le monde tel qu’il est. Ça crée notamment des tensions dans son couple parce que sa femme, elle, est très ajustée à cette société.

Pourquoi avoir choisi cette thématique du rêve pour parler des dérives de la société ?

Les rêves c’est quelque chose qui m’a toujours beaucoup intriguée depuis que je suis petite. J’ai eu quelquefois des rêves lucides et l’idée d’un film m’est venue un jour en écoutant une chanson de Kasabian qui s’appelait « La Fée Verte ». J’étais en voiture. En fait, je suis beaucoup plus intéressée par la psychologie du personnage en Tant que singularité. Ensuite il y a eu les répercussions dans sa vie personnelle. Et afin de l’expliquer, j’ai choisis de le transposer à l’échelle de la population, et du gouvernement.

Vous avez commencé la rédaction du script de “Lucide” en 2015, qu’est-ce qui a évolué dans le scénario en 5 ans ?

La chose qui a le plus évolué, c’est la fin. À l’origine, on était sur une fin très ouverte et ça ne me plaisait pas trop parce que j’avais l’impression d’avoir un sentiment d’inachevé, de dire aux gens « moi je ne sais pas comment finir le film donc allez-y, imaginez ce que vous voulez ». Pendant des mois, je sentais qu’il y avait quelque chose qui ne me plaisait pas dans mon scénario. Je crois que c’est un ami, un jour, qui l’a relu plusieurs fois d’affilée pour essayer de trouver le truc qui le dérangeait également. Et il m’a donné une indication. C’est qu’on ne comprend pas le message avec cette fin. Et cela a été un déclic. J’ai rajouté 2-3 détails, et une nouvelle fin est arrivée toute seule. Et dernièrement, j’ai apporté encore quelques petites modifications pour apporter plus de profondeur.

Anaïs Yahyaoui

Et est-ce que l’évolution de notre société sur 5 ans a aussi joué sur la modification du scénario ?

Pas vraiment. Mis à part qu’on est tombés de plus en plus dans la représentation d’une vie parfaite, à travers les réseaux sociaux. J’ai beaucoup vu ça autour de moi. Des gens qui postaient ou qui créaient des stories sur Instagram. Je les connaissais eux et je voyais que leur vie n’était pas du tout en adéquation avec leurs stories. Je pense qu’on cherche toujours une fuite par rapport à la réalité. Et les nouvelles technologies encouragent ça. Et donc ça n’a pas changé le scénario mais ça l’a approfondi.

Vous avez choisi la voie de la dystopie pour votre court-métrage “Lucide”, est-ce que c’est un style qui vous intéresse particulièrement ?

Pour être honnête le sujet que j’ai choisi là est le mode de fonctionnement des rêves réels. Il ouvre énormément de thématiques. On aurait pu écrire beaucoup de choses dessus. On aurait pu se concentrer justement sur les nouvelles technologies, sur l’aspect futuriste. Moi j’y ai vu une opportunité pour traiter de manière psychologique le personnage principal.

Jessica Georges

Le rêve lucide permet d’être acteur de ses rêves, de quoi rêve-t-on Anaïs quand on a 27 ans ?

C’est dur parce que je réalise que quand on a la vingtaine, on ne sait pas trop ce qu’on veut. Ou en tout cas, on ne sait pas comment se donner les moyens d’y arriver. On a du mal à se trouver un but. Alors moi ça va varier entre ma vie professionnelle, ce film ça fait 5 ans que j’ai vraiment envie de le faire, et puis ma vie sentimentale car je suis très sentimentale. 

Vous avez habité aux Etats-Unis et là, vous venez de retrouver la France. Quelles sont selon vous les similitudes et les différences sociétales entre les 2 pays ?

Il y a plusieurs choses que j’ai remarquées. A la fois, les Etats-Unis sont pays qui est plus superficiel dans la manière d’aborder les gens et en même temps, il y a davantage cette capacité à tendre la main et à aider. C’est quelque chose qui est plus ancré. En France, c’est un peu plus chacun pour soi. Quand j’ai eu besoin d’aide dans les 2 pays, j’ai clairement ressenti la différence.

Anaïs Yahyaoui

Quand vous parlez de ça, on sent une implication militante, une prise de position, est-ce qu’il y a des causes qui vous tiennent particulièrement à coeur ?

Je suis vegan donc forcément il y a la cause animale. En fait, un peu toutes les injustices sociales me touchent à la même échelle. Le féminisme, le racisme aussi… c’est une chose à laquelle je réfléchis beaucoup et pour laquelle je m’implique autant que possible.

Comment avez-vous écrit le scénario ? Avez-vous fait des recherches ou bien vous êtes-vous laissée portée par votre rêve ?

Etant donné que je m’étais beaucoup renseignée sur les rêves il y a 10 ans ce ça, que j’avais lu énormément d’ouvrages, je savais un peu de quoi il en retournait pour ce qui est du rêve lucide. Après, on ne sait pas à quoi servent les rêves, on ne sait pas ce qui les motive. Il y a des choses que je trouve très intéressantes comme le fait qu’on ne peut pas rêver de quelqu’un qu’on n’a jamais vu. Même quand on croise une personne dans la rue pendant 2 secondes, on l’a vue sans vraiment la voir mais son image reste enregistrée dans notre mémoire.
Encore une fois, je me suis plus centrée sur la psychologie du personnage. Il y a même des choses qui ont évoluées dans les relations entre les personnages au fur et à mesure que moi, dans ma vie, je me suis retrouvée dans certaines situations, et que j’ai pu mieux analyser ce que je ressentais.

Anthony Martin

Il y a une forte imprégnation du rêve et de la nuit dans votre film, et votre acteur principal, c’est Anthony Martin, avec qui vous avez joué en 2014 dans « Papillon de nuit », est-ce que vous pourriez nous parler un peu de lui ? Et du casting de « Lucide » en général ?

Anthony Martin je l’ai effectivement rencontré sur le tournage de « Papillon de nuit ». Et je trouve qu’Anthony a ce truc hyper nostalgique. On a fait passer des castings et j’avais du mal à trouver cette subtilité que je voulais dans les yeux des acteurs. Je suis comédienne de formation donc le jeu des acteurs, pour moi c’est quelque chose d’essentiel. J’ai donc contacté Anthony, je lui ai présenté le projet et il a beaucoup aimé. Ensuite, on a Jessica Georges qui va jouer le rôle de la femme d’Anthony. Elle est une super comédienne, qui bosse beaucoup sur la construction du personnage. En 2012-2013, David Lynch avait réalisé une série en 3 épisodes diffusée sur HBO : « Hôtel Room ». Avec un ami nous avions pour mission de la traduire en français. Puis lui l’avait mise en scène, et moi je jouais dedans. On avait fait passer des castings et Jessica m’avait tout de suite marquée. Et quand j’ai écrit le scénario de « Lucide », c’était précisément elle que j’avais en tête pour le rôle de la femme. Et j’ai aussi un petit rôle dans le film aussi. J’avais vraiment envie de jouer et je me suis donné cette possibilité-là dans le film.

Pour ce film, vous avez lancé une cagnotte KissKissBankBank. À date, il reste 16 jours, on est à 83% de l’objectif. Pourquoi avoir choisi de passer par une cagnotte participative ?

En France, c’est très difficile de se faire entendre quand on a un projet, qu’on est jeune réalisatrice, et qu’on n’a pas encore eu la possibilité de prouver ce dont on est capable. Les gens ont du mal à faire confiance dans ce milieu. C’est un milieu extrêmement restreint et masculin. Pendant plusieurs années, j’ai envoyé mon projet à des gens qui n’ont même pas pris le temps de le lire. Et je me suis dit “si je veux vraiment le faire, ça va être la solution pour pouvoir expliquer, montrer, donner de la visibilité à ce projet”.

montre Augarde, boitier acier, cadran noir, bracelet cuir blanc

Etes-vous soutenue par des partenaires qui vous accompagnent sur ce projet ?

Oui, la marque de montres Augarde. Déjà, ça rentrait parfaitement dans le cadre du film parce qu’on est quand même sur un personnage qui est angoissé par le temps qui passe. Il a une nostalgie du passé assez ancrée en lui. La marque Augarde nous a contacté en découvrant le projet. Elle s’est proposée pour apporter son aide à la création du projet et j’ai trouvé ça génial. C’est une marque de montres qui est toute jeune et qui a eu envie d’accompagner une jeune femme dans ce challenge.

Quand et où prévoyez-vous de faire le tournage ?

Ça va être la dernière semaine de mai, a priori à partir du 24 ou du 25. Et les lieux de tournage, ça va être entre Paris et Goussainville, qui est une ville à moitié abandonnée depuis la construction de l’aéroport Charles de Gaulle. Il y a ce côté très déserté, qu’on a trouvé intéressant de montrer à l’écran, même esthétiquement.

Anaïs Yahyaoui

Comment pensez-vous montrer à l’écran la différence entre la réalité et le rêve ?

J’ai un super chef op qui s’appelle Hugo Poisson. Au niveau des ambiances de lumière, il est très doué. Il a seulement 22 ans alors qu’il a déjà gagné 4 prix pour la photographie sur des court-métrages. Là, ça va être le dernier court-métrage qu’il va faire. Etant donné qu’on fait un crowdfunding, l’équipe ne va pas être autant payée que sur des grosses productions. Donc c’était important de trouver des gens impliqués dans le projet et qu’ils aient la possibilité de s’exprimer artistiquement dans leurs domaines respectifs. Donc on a décidé que pour ce qui allait être de la réalité, on allait avoir des scènes un peu plus sombres, un peu plus tristes et grises. Et pour ce qui est des rêves, on va être presque sur de la pub, avec les acteurs qui vont être très beaux et lisses, avec beaucoup plus de lumière.

Votre film se passe en 2047, comment vous voyez-vous dans 27 ans ? Et comment imaginez-vous la société dans 27 ans ?

Dans 27 ans, j’aurai 54 ans. Comment je m’imagine ? Probablement, célibataire. Je ne me suis jamais vue dans des relations très longues. Et j’espère que j’aurai du boulot… et plein d’animaux ! J’aimerais évidemment poursuivre dans la direction du cinéma. Je me redécouvre une vraie passion pour l’écriture des dialogues, mais je voudrais continuer à être comédienne. Et la société ? La situation n’est pas terrible terrible… J’ai presque l’impression qu’il va y avoir une grosse catastrophe et que les gens vont devoir réaliser l’importance de se serrer les coudes. De toutes façons, la nature aura toujours le dernier mot. 

Pour soutenir le projet “Lucide, le film”, vous pouvez participer à son financement sur KissKissBankBank.

Virginie Garcia pour Artistes du Temps

Catégorie :
Portraits

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